L’écriture ludique de Crimp dérègle la réalité comme un train qui sort de ses rails. Le spectacle prend la forme d’une biographie à rebours d’un certain Bobby, il fonctionne comme la radiographie d’un homme baigné depuis sa plus tendre enfance dans une violence ordinaire et quotidienne.
Alors que se précise et que prend corps l’objet du récit, l’identité des locuteurs est mise en doute. Le spectateur se met à questionner la relation qu’entretiennent ces voix à l’évènement : y ont-elles réellement assisté ? L’ont-elles provoquées ? Les voix sont-elles criminelles ? Sont-elles celles de scénaristes qui, comme dans Le Traitement, ont à charge de scénariser la vie d’un individu ? D’acteurs bâtissant une improvisation théâtrale ? D’enquêteurs…
Aujourd’hui le langage est devenu suspect et pour Martin Crimp, le théâtre est le lieu de ce questionnement.
Crimp excelle à révéler la violence de nos sociétés policées, et le moment où cette violence affleure derrière la normalité, pour faire éclater les apparences d’un monde propre habité par des « familles vraiment comme il faut ».
La fixité inquiétante des regards des comédiens et leurs sourires forcés soulignent par un effet de distance l’optimisme béat dont le monde politique et médiatique nous abreuve. Nous tentons avec ce spectacle de questionner le public et de le mettre en agitation.